Ton corps n’est plus le chien qui rôde et qui ramasse
Dans l’ordure ce qui peut lui faire un repas
Ton corps n’est plus le chien qui saute sous le fouet
Ton corps n’est plus cette dérive aux eaux d’Europe
Ton corps n’est plus cette stagnation cette rancœur
Ton corps n’est plus la promiscuité des autres
N’est plus sa propre puanteur
Homme ou femme tu dors dans des linges lavés
Ton corps
Quand les yeux sont fermés quelles sont les images
Qui repassent au fond de leur obscur écrin
Quelle chasse est ouverte et quelle monstre marin
Fuit devant les harpons d’un souvenir sauvage
Quand tes yeux sont fermés revois-tu revoit-on
Mourir aurait été si doux à l’instant même
Dans l’épouvante où l’équilibre est stratagème
Le cadavre debout dans l’ombre du wagon
Quand tes yeux sont fermés quelle charançon les ronge
Quand tes yeux sont fermés les loups font-ils le beau
Quand tes yeux sont fermés ainsi que des tombeaux
Sur des morts sans suaire en l’absence des songes
Aragon: Le Nouveau Crève-coeur, Chanson pour oublier Dachau (extrait)