L’esprit du nazisme est-il mort?

« On pourrait soutenir qu’entre le lancement publicitaire d’une lessive dans une grande démocratie moderne et une campagne de mis au pas en régime fasciste, la technique a effacé les différences. »- Dominique Janicaud, La puissance du rationnel

La rationalité comme optimisation des moyens présentée comme fin produit logiquement et ontologiquement une annihilation de l’individuel, du relationnel qui est pourtant l’autre nom de la rationalité.

  « Pour l’effort le plus important aujourd’hui, il n’est plus besoin de s’entendre »: cette constatation faite il y a plus de vingt ans par Jacques Ellul a plus d’actualité que jamais. On ne saurait formuler plus elliptiquement et plus heureusement la réalité massive du consensus technicien. Regards rieurs et poignées de main de nos présidents-augures, l’affaire est trop importante pour qu’on en délibère; laissons cela à quelques hippies vieillis ou aux écologistes, éternels adolescents; les contrats se signent et l’indifférence s’installe sur goulags et torturés. Babel sans Dieu: on construit (et l’on détruit) dans le silence hypertechnicien sur l’essentiel (les objectifs, les effets, le sens ou l’absence de cette technicisation forcenée).

      Il n’est pas sûr que le nazisme ait été moralement vaincu, dans la mesure où les vainqueurs ont repris à leur compte la politique de puissance et l’extension prioritaire du complexe militaro-industriel. Si l’esprit du nazisme s’est répandu comme un gaz et nous a contaminés, c’est peut-être que s’y révélaient déjà des traits spécifiques de cette Puissance que nous abordons, réfraction sociale d’un Complexe objectivé. »

La puissance du rationnel

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.