On n’arrête pas le progrès!

Les êtres humains sont obligés de vivre et de se compter selon des lois techniques, étrangères aux lois humaines. Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promues au rang de lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire. Il est exclu de la société à laquelle il appartient, mais dans laquelle il ne peut s’intégrer désormais sans renoncer à la condition humaine. Il en résulte pour lui un sentiment d’infériorité, le désir d’imiter la machine, et d’abandonner ses caractères spécifiquement humains, qui le tiennent éloigné des centres d’activité sociale.

Et cette lente désintégration transforme l’être humain en le faisant renoncer à ses sentiments, à ses relations sociales jusqu’à les réduire à quelque chose de catégorique, précis et automatique, les mêmes relations qui lient une pièce de la machine à une autre. Le rythme et le langage de l’esclave technique est imité dans les relations sociales, dans l’administration, dans la peinture, dans la littérature, dans la danse. Les êtres humains deviennent les perroquets des esclaves techniques. Mais ce n’est là que le début du drame (…) Nous ne pouvons pas nous transformer en machines. Le choc entre deux réalités – technique et humaine- s’est produit. Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et deviendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoin et la culture de la majorité des citoyens, c’est-à-dire des citoyens techniques.

 Pour finir, les hommes ne pourront plus vivre en société en gardant leurs caractères humains : Ils seront considérés comme égaux, conformes et traités suivant les mêmes lois applicables aux esclaves techniques, sans concession possible à une nature humaine. Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations automatiques, des distractions automatiques. L’individu n’aura plus droit à l’existence, sera traité comme un piston ou une pièce de machine, et il deviendra la risée de toute le monde s’il veut mener une existence individuelle. Avez-vous jamais vu un piston mener une vie individuelle ? Cette révolution s’effectuera sur toute la surface du globe. Nous ne pourrons nous cacher ni dans les forêts, ni dans les îles. Aucune nation ne pourra nous défendre.

25èmeheure

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

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