Wittgenstein met en évidence les limites pratiques du doute comme de la certitude, relançant l’investigation de Descartes. Ni la certitude, ni le doute n’apparaissent, pour lui, tout-puissants. Il écrit: « Qui n’est certain d’aucun fait ne peut non plus être certain du sens de ses mots » (De la certitude, Gallimard, 1976, par.114) et, ainsi, » Qui voudrait douter de tout n’irait pas même jusqu’au doute. Le je du doute lui-même présuppose la certitude » (par. 115) Par exemple, « Si le marchand, sans avoir de raison de le faire, voulait examiner chacune de ses pommes pour être tout à fait sûr de son fait, pourquoi ne lui faut-il pas (alors) examiner l’examen lui-même? » (par. 459)
L’existence des chambres à gaz et du massacre organisé de millions de Juifs ont pour eux suffisamment de témoignages (de victimes et de bourreaux), de documents et de preuves matérielles (avec des différences, voire des divergences, dans la documentation utilisée, son interprétation et le chiffrage du nombre de tués), pour revêtir un haut degré de certitude qui ne peut être balayé par les seules prétentions impérialistes du doute. On pourrait dire du génocide perpétré par les nazis et leur recours aux chambres à gaz, ce que dit Wittgenstein de l’existence de la terre: « Ce que nous appelons preuve historique indique que la terre a existé déjà longtemps avant ma naissance; l’hypothèse contraire n’a rien pour elle. »
Philippe Corcuff: Négationnisme d’ultra-gauche et pathologies intellectuelles de la gauche.
in Consciences de la Shoah, Kimé 2000, p.266.