Après Auschwitz, Yehiel Di-Nur fit tout ce qu’il put pour ensevelir dans l’oubli ses premiers travaux, allant jusqu’à les retirer des bibliothèques. Il abandonna aussi son non naissance.
Auschwitz, qui lui avait ravi sa famille, lui avait également pris son identité, le lui laissant que celle de prisonnier.
Il commença à écrire sur le Génocide peu après la libération, alors qu’il reprenait des forces dans un camp de l’armée britannique, près de Naples. La fin était proche, sentait-il; peut-être n’allait-il pas pouvoir terminer son travail. Mais il avait fait serment aux morts de porter leur voix, de rendre compte de leur histoire.
Quelque quarante ans plus tard, dans les années 80, il se souvenait: « Je me suis assis pour écrire, et pendant deux semaines et demie je ne me suis quasiment pas levé. Je confiai ensuite le manuscrit à un soldat afin qu’il le fasse parvenir en Palestine. »
Sur la première page, le soldat lut le titre, Salamandra, et murmura: « Vous avez oublié d’écrire le nom de l’auteur. » Je hurlai, « le nom de l’auteur? Ceux qui sont partis dans les fours crématoires ont écrits ce livre! Inscris leur nom: Ka-Tzetnik. »
Ce nom vient du sigle allemand KZ (Ka Tzet) pour Konzentrationslager – camp de concentration. Les déportés étaient désignés comme des Ka-Tzetniks, et portaient chacun un numéro; Di-Nur était le Ka-Tzetnik numéro 135 633 et c’est ainsi qu’il signa ses travaux. Il changea aussi de nom, comme le firent un grand nombre d’Israéliens, et il prit celui de Di-Nur, « qui vient du feu ».
« Partout où l’humanité se trouve se trouve Auschwitz » (Ka-Tzetnik)
Tom Segev. Le septième million, Liana Levi, 1993, p.8 et 16.
présentation bouleversante et saisissante.