On a établi avec certitude que de 1933 à 1945, des millions d’innocents ont été systématiquement massacrés sur ordre. Avec un souci de rendement comparable à celui d’une usine de pièces détachées, on a construit des chambres à gaz, gardé des camps de la mort, fourni des quotas journaliers de cadavres. Il se peut que des politiques aussi inhumaines aient été conçues par un cerveau unique, mais jamais elles n’auraient été appliquées sur une telle échelle s’il ne s’étaient trouvé autant de gens pour les exécuter sans discuter.
Quand on se penche sur la longue et sinistre histoire de l’homme, on constate que l’obéissance a inspiré plus de crimes horribles que la rébellion.
L’extermination des Juifs européens par les nazis reste l’exemple extrême d’actions abominables accomplies par des milliers d’individus au nom de l’obéissance. Cependant, à un degré moindre, le même type de phénomène se reproduit constamment: des citoyens ordinaires reçoivent l’ordre de tuer leurs semblables et ils l’exécutent parce qu’ils estiment que c’est leur devoir.
Stanley Milgram: Soumission à l’autorité, Calmann-Lévy, 1974, p. 17-18.
« Les foules ne deviennent pas nazies ou quelque chose de similaire par révolte, mais plutôt par conformisme. » Imre Kertész: Journal de Galère, Actes Sud, 2010, p. 10.