Monsieur,
J’ai commandé, reçu et lu votre ouvrage « Philosophie de la Shoah ». Je voulais vous dire à quel point, sur l’essentiel, nous sommes si proches et si éloignés à la fois.
Mais avant tout, permettez-moi de relever le trait principal de votre essai, plutôt rare par les temps qui courent : celui de l’honnêteté intellectuelle, dont témoigne votre traitement de la pensée de Heidegger au sein même de l’entreprise d’une philosophe de la Shoah. Je ne suis pas sûr que beaucoup de nos intellectuels partagent votre lucidité.
J’ai en outre apprécié le soin avec lequel vous mettez en évidence l’arraisonnement technique et managérial qui gouverne l’Apocalypse des camps en particulier, et de la modernité en général. Les discours idéologiques masquent cette condition de possibilité qu’il faut élever, comme vous le faites, à son réel statut ontologique. Voir l’historial derrière l’historique. Il est évident que je donnerai la première partie de votre ouvrage à lire mes étudiants, la seconde leur étant inaccessible (ils étudient le management des ressources humaines à l’Institut d’Administration des Entreprises de Metz où j’enseigne : ils ne possèdent donc pas la culture générale nécessaire à la compréhension de vos développements).
Si donc j’adhère pleinement à votre diagnostic de la modernité, et même de la place centrale qu’y occupe la Shoah, je remarque que nos chemins se séparent en deux endroits que je ne fais ici que très brièvement citer ; cela nécessitera, si vous le voulez bien, que nous en discutions de vive voix lorsque vous aurez pénétré dans mes écrits :
1) L’extension du diagnostic de la modernité à l’histoire occidentale.
2) Les rapports entre ce que vous nommez « socle grec » et « socle juif ».
Cordialement
Baptiste Rappin