LE POETE ET SON OMBRE
VIII.
« Dans les ténèbres de moi sans lampe je rouvre la marche
Il est un temps de marcher jusqu’à l’épuisement,
Il est un temps de prier, mais un temps de crier,
un temps de rage et de folie,
un temps pour haïr l’homme,
un temps pour se haïr,
Un temps pour demander quel est le sens de l’homme,
que cherche-t-il donc sur cette terre branlante
pourquoi le fait-on descendre dans les égouts dans les mines,
le visage couvert d’urines et de boue,
pourquoi l’exploite-t-on, le frappe-t-on,
pourquoi lui crache-t-on au visage,
et lui arrache-t-on sa chanson?
Il a beau être au centre des choses, il est SEUL
seul dans sa ville, seul aux meetings, seul encore
lorsqu’il baise sa femme –
sa misère lui pèse, son impuissance aussi –
changera-t-il jamais le monde avec son cri?
Il est un temps où l’eau est froide, mais un temps où elle bout,
le gaz irrésigné distend les parois et éclate,
il est un temps de mourir et un temps de ne pas mourir
de révolte perpétuelle –
Un temps de folie et de haine?
SANS DOUTE! »
Benjamin Fondane a été déporté, du camp de Drancy, le 30 mai 1944, lors du convoi n°75.
Il sera assassiné dans une chambre à gaz, à Birkenau, le 2 ou 3 octobre 1944.