« Ce travail est né de deux grandes sidérations. La première, dans mes études de philosophie, ce constat, cette intuition que très très souvent, les philosophes contemporains philosophaient comme si la Shoah n’avait jamais eu lieu, comme si elle ne concernait pas la philosophie, comme si elle ne concernait pas la Raison. Et il y avait dans cette espèce de démangeaison intuitive qui se mettait en place en moi, quelque chose qui a fait son chemin. La deuxième raison, c’est le constat que je n’arrivais pas à comprendre pourquoi Auschwitz n’était pas le point de départ d’une pensée véritablement philosophique et même si Adorno était parti de ce point zéro, somme toute au sein de sa philosophie, particulièrement à la fin de sa vie, il n’en avait pas tiré quelque chose en dehors d’un point de départ. Et donc, ce que je souhaitais vous dire, avant d’intervenir d’une manière plus formelle, d’une manière peut-être un peu plus académique, c’est qu’on ne passe pas de l’effroi à l’étonnement en quelques jours, en quelques mois, en quelques années et que finalement, travailler sur la Shoah ne résulte pas d’un libre arbitre, ne résulte pas d’un choix, mais résulte presque d’une béance qui s’inscrit en nous, terme lacanien, et qui se développe indépendamment de nous. »
Institut Gérard Haddad, Séminaire 10. Paris.