Comment faire comprendre ce que fut cette nuit du revier, quand les surveillantes clouèrent la porte et qu’il nous a fallu attendre le lendemain pour connaître la liste de celles qui avaient été condamnées par Mengele? (…)
A Rouen, où je fais maintenant de longs et réguliers séjours, je passe devant la maison de mes parents, d’où j’ai été arrachée, avec eux, par les nazis. Je retrouve des boutiques dont l’enseigne n’a pas changé. Je m’assieds sur un banc, dans le jardin Solférino qui est devenu le square Verdrel. Je retourne au lycée Jeanne d’Arc, devenu collège Barbey d’Aurevilly, et au lycée Corneille, les deux établissements où j’ai fait mes études, et j’y rencontre des élèves qui ont à peu de choses près l’âge que j’avais quand j’ai été arrêtée. J’ai retrouvé des gens que j’ai connus dans mon enfance. Je marche dans Rouen et m’y sens chez moi. J’ai l’impression d’y être vraiment la fille de mes parents.
Denise Holstein, Je ne vous oublierai jamais mes enfants d’Auschwitz, 1995, Editions n°1, p. 114-115.
Photo: rencontre avec Denise Holstein, été 2018, Côte d’Azur.