Ceci est la porte par laquelle entrent les Justes

A Belzec, Sobibor et Treblinka, le « boyau » était le passage final qui conduisait aux chambres à gaz. A Sobibor, le boyau consistait en un sentier de trois ou quatre mètres de large sur cent cinquante mètres de long, flanqué de chaque côté de barbelés entremêlés de branchages. Les SS et les auxiliaires poussaient leurs victimes nues dans ce boyau jusqu’aux chambres à gaz. « Une fois arrivé dans ce « couloir » qui allait de la grange aux installations, il n’était plus possible d’en réchapper », a expliqué le chef de l’administration du camp, Hans-Heinz Schutt.

A Treblinka, le « boyau », long de quatre-vingt-dix mètres et large de cinq mètres, menait des « salles de déshabillage » du camp inférieur aux chambres à gaz du camp supérieur. Au bout d’une trentaine de mètres vers le côté est du camp, le boyau tournait brusquement, presque à quatre-vingt-dix degrés, et filait tout droit vers l’ouverture centrale du bâtiment de la chambre à gaz du camp supérieur. Les clôtures en barbelés, épaissies par les branchages, les buissons et les arbres, enfermaient le boyau et le gardaient caché aux regards. Les gardes se servaient de leurs poings, de fouets ou des crosses de leurs fusils pour contraindre leurs victimes à courir, quatre ou cinq de front, nues, les bas levés, à travers le boyau.

A Treblinka et Sobibor, les SS appelaient le boyau la « route vers les cieux » (Himmelfahrtstrasse). A Treblinka, les Allemands avaient disposé un rideau sombre pris dans une synagogue sur l’entrée du bâtiment qui contenait les chambres à gaz. Dessus, était écrit en hébreu: « Ceci est la porte par laquelle entrent les Justes. »

Charles Patterson: Un éternel Treblinka, Calmann-Lévy, 2008, p.168-169.

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

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