Ecumes des métaphysiques contre physique des cendres

Tu es

Quand je vois, mon peuple gazé, exterminé,

le soleil rire et dans les rues les enfants jouer

et rien de changé dans l’allure

de l’homme – sinistre engeance d’Eve et du serpent

Je peux Te nier et dire – Tu n’es pas!

Tu n’es rien d’autre que la grandiose hypothèse

de ma lignée anéantie

le rêve du peuple des psaumes

qui a péri avec lui dans le feu.

Souffrances de mon peuple

à côté desquelles toutes les flammes de l’enfer

ne sont que neige fondue.

J’entends ces souffrances crier:

Tu es!

S’il n’y avait eu de telles souffrances

Tu aurais pu ne pas être.

Mais parce que ces souffrances sont –

Tu es – aussi sûr qu’est mon malheur.

De telles souffrances sans Dieu

seraient une dérision si absolue

une négation telle de tout sens

que l’absurde depuis longtemps déjà

aurait fait vaciller la terre comme un ivrogne

et se briser en morceau la planète

(1946)

Aaron Zeitlin,

Poèmes de l’anéantissement et poème de la foi,

New York, Tel Aviv 1967.

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

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