Tu es
Quand je vois, mon peuple gazé, exterminé,
le soleil rire et dans les rues les enfants jouer
et rien de changé dans l’allure
de l’homme – sinistre engeance d’Eve et du serpent
Je peux Te nier et dire – Tu n’es pas!
Tu n’es rien d’autre que la grandiose hypothèse
de ma lignée anéantie
le rêve du peuple des psaumes
qui a péri avec lui dans le feu.
Souffrances de mon peuple
à côté desquelles toutes les flammes de l’enfer
ne sont que neige fondue.
J’entends ces souffrances crier:
Tu es!
S’il n’y avait eu de telles souffrances
Tu aurais pu ne pas être.
Mais parce que ces souffrances sont –
Tu es – aussi sûr qu’est mon malheur.
De telles souffrances sans Dieu
seraient une dérision si absolue
une négation telle de tout sens
que l’absurde depuis longtemps déjà
aurait fait vaciller la terre comme un ivrogne
et se briser en morceau la planète
(1946)
Aaron Zeitlin,
Poèmes de l’anéantissement et poème de la foi,
New York, Tel Aviv 1967.