« Quelle difficulté de penser une responsabilité, voire une culpabilité qui ne se rapportent pas aux actions individuelles, à l’enracinement de chacun dans l’histoire, à son existence de sujet!
Pourtant, comment donner un contenu à cette sensation tenace de se sentir coupable des camps parce qu’on est un homme…? « Il existe entre les hommes, du fait qu’ils sont des hommes, une solidarité en vertu de laquelle chacun se trouve co-responsable de toute injustice et de tout mal commis dans le monde » (Karl Jaspers, La culpabilité allemande, p.47)
« Etre coupable au sens métaphysique, c’est manquer à la solidarité absolue qui nous lie à tout être humain comme tel. Ce sentiment de culpabilité reste en nous comme un appel inextinguible, même là où l’exigence morale perd son sens (…) Nous, les survivants, nous n’avons pas cherché la mort. Quand on a emmené nos amis juifs, nous ne sommes pas descendus dans la rue, nous n’avons pas crié jusqu’à ce qu’on nous détruisit(…) Que nous soyons en vie fait de nous des coupables. (…) Pendant ces douze années, quelque chose s’est passé en nous, comme une refonte de tout notre être. » (Ibid, p.81)
Cette culpabilité métaphysique nous place nécessairement sous le point de vue de l’universel, sous le point de vue de l’être et nous engage à penser, à poser comme nécessaire, une « métaphysique des camps », ce qu’a initié Moins Que rien (2006) et que La Liseuse (2012) a cherché à prolonger avec un autre angle d’attaque.
Chaleureusement à tous.