Phénoménologie de la chambre à gaz (précommande)
Publié par
Didier Durmarque
Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie. Afficher tous les articles par Didier Durmarque
Je ne saurai que trop vous engager à vous lancer dans cette lecture nullement fastidieuse, encore moins rebutante… et ce, même si vous n’êtes pas un philosophe aguerri et également ce, en dépit du thème on ne peut plus délicat décortiqué avec brio et subtilité par un philosophe qui réfléchit, depuis de nombreuses années, à cette question du point de vue de l’appréhension de l’objet et du phénomène d’extermination des juifs. Didier Durmarque, dans son remarquable « Phénoménologie de la chambre à gaz » nous fait avoir toute la distance qui s’impose pour comprendre qu’il est nécessaire d’aller au-delà de l’industrialisation du massacre : pensée du point de vue des victimes, la chambre à gaz devient l’expérience d’un fond irréductible. Je cite l’auteur, ses propos sont brûlants, mais porteurs d’une belle vérité : « Tandis qu’un objet technique est un objet dont l’existence cache son essence, tout en étant un objet dont l’essence permette son expérience, la chambre à gaz est un objet dont l’essence cache son expérience. (…) La chambre à gaz est la solution technique à la question de l’Être, solution qui est une solution ontologique, immonde, incarnation négative, sublime de l’ignoble, Être en souffrance. » (opus cité, p.149, p.150). C’est cette approche ontologique qui m’a passionné : elle amène à se pencher sur le sens réel de ce qui nous entoure, sur le sens de la vie plutôt que sur un objet déterminé. Claude Lanzmann (« Shoah ») avait déjà pensé l’irreprésentable à la lumière de l’Être : « On ne peut pas raconter ça ; personne ne peut se représenter ce qui s’est passé ici. » C’est très fort, écrit magistralement, décapant, très didactique, profondément humain et humaniste ; quant à l’auteur, que je connais personnellement, c’est un être humain brillant et pourtant pétri d’humilité.