– Sale Youpin, dit-il. Tu as dévalisé le monde et maintenant te voilà à Birkenau.
Stern avait peur. Il se tenait debout complètement nu au centre de la pièce. Il attendait. Il lui fallait faire un grand effort pour ne pas trembler. Mais il tenait bon. Seulement, d’être complètement nu devant ces deux hommes avec leurs bottes luisantes, leurs ceintures de cuir bien bouclées, les revers de veste impeccables, l’envahissait du sentiment ignoble de n’être plus rien.
– Tu n’es qu’une poussière de merde, dit le plus grand.
Ils regardaient en riant sa verge décalottée. Le premier SS fit un signe et le Tzigane qui attendait au bout de la pièce s’avança avec Stern. Une angoisse étouffante lui contracta la poitrine. Les yeux de Stern s’élargirent. Il était obsédé par les mains du Tzigane.
Le Tzigane lui introduisit la verge dans une bague et serra la vis. Le froid du métal faillit le faire crier. Tout son corps s’était contracté dans l’attente. Pour lutter contre l’effroi, il fit le grand effort de respirer normalement. Deux minces lames d’acier très souples réunies à la bague formaient un tube relié par un fil au rhéostat.
Un des SS établit le contact. Le coeur de Stern battait à un rythme précipité. Les nerfs tendus à l’extrême, il attendait le choc. Les SS regardaient son visage. Il ne sentit rien et ce fut plus pénible encore, comme un affaissement en lui. Sa volonté se brisait. Il s’était préparé à une douleur violente et , comme rien n’était venu, il restait vide, sa résistance épuisée. Les SS rirent et, brusquement, il hurla. Les SS venaient de couper le courant. Maintenant, à chaque rupture, c’était comme une folie en lui, comme si tout le système nerveux se déchirait, comme si tout le corps craquait, et il hurlait, une angoisse aveugle dans la tête, tandis que crevait le rire du SS.
David Rousset, Les jours de notre mort, p.421-422.