Le nazisme est-il un humanisme?

La référence à l’idée d’une essence de l’humanité exposerait le programme des droits de l’homme (par conséquent aussi la perspective d’un droit humanitaire) aux plus terribles « contaminations » et « complicités ».

C’est dans le même esprit que Ph. Lacoue-Labarthe défend la perspective selon laquelle le nazisme est un humanisme.

A partir de ses propres options, C. Lévi-Strauss (…) suggérait dans un article du journal « Le Monde » (21 janvier 1979), corroboré au demeurant par beaucoup d’autres textes, que l’humanisme issu de la tradition judéo-chrétienne, de la Renaissance et du cartésianisme, est impliqué dans « toutes les tragédies que nous avons vécues, d’abord avec le colonialisme, puis avec le fascisme, enfin avec les camps d’extermination »: ensemble de catastrophes qui, expliquait-il « s’inscrit non en opposition ou en contradiction avec le prétendu humanisme sous la forme où nous le pratiquons depuis plusieurs siècles, mais presque dans son prolongement naturel », au point que « se préoccuper de l’homme comme tel » et faire de lui la valeur la plus sacrée, ce serait inévitablement, par  une monstrueuse dialectique des Lumières, « conduire l’humanité à s’opprimer elle-même, lui ouvrir le chemin de l’auto-oppression et de l’auto-exploitation » précisément parce que l’homme occidental « en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité (par une pensée du propre de l’homme), ouvrait un cycle maudit » qui allait le conduire à « constamment reculer » la « frontière » de l’humanité, donc à « écarter des hommes d’autres hommes » et à « revendiquer, au profit de minorités toujours plus restreintes », le privilège de l’humanisme, corrompu aussitôt né.

A. Renaut: le crime contre l’humanité, le droit humanitaire et la Shoah in Philosophie n°67: La philosophie devant la Shoah.

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.