« Dans les faits, il y a bien des traits communs entre nazisme et communisme: système des camps de concentration, liquidation en masse des opposants, culte du chef, parti unique, exaltation de la jeunesse, complaisante avec la pègre, rhétorique de la « table rase » du passé, etc. Comme il y a également des collusions soutien électoral du Parti communiste allemand aux candidats nazis aux élections avant 1933, pacte germano-soviétique en 1939. Et, au final, il y aussi pour chacun un bilan de dizaines de millions de victimes. Toutefois, les différences demeurent irréductibles. Elles sont d’abord socio-historiques: les régimes communistes furent l’échec de l’établissement de la démocratie; le régime nazi fut l’échec de la démocratie. Les régimes communistes se sont installés à la périphérie des pays démocratiques; le nazisme s’est installé dans leur principal centre. Elles sont ensuite paradigmatiques: le communisme dévore ses partisans; le nazisme est prédateur. Le goulag aggrave la pratique tsariste de la déportation; le nazisme « invente » l’industrialisation du meurtre de masse. Le communisme est un fanatisme sanguinaire, ses crimes sont ceux de la dénégation de la réalité humaine; le nazisme est une culture criminelle, ses crimes sont ceux de la revendication de canaillerie humaine. Le communisme, en s’effondrant seul, laisse un « champ de ruines »; le nazisme, vaincu militairement, laisse des traits pervers dans la culture moderne. Dans l’eschatologie juive, Behemoth et Leviathan désignent deux monstres épouvantables. Le philosophe anglais Hobbes, après Saint Augustin, popularisa les deux figures: Léviathan désigna l’Etat coercitif, Behemoth le non-Etat, le chaos, le désordre de l’absence mortelle de Loi. En désignant par Léviathan le communisme, et par Behemoth le nazisme, on pourrait éviter de les confondre. »
G. Rabinovitch: Questions sur la Shoah, 2000, Editions Milan, p.51.
Encore faudrait-il ajouter qu’à relier le nazisme à une catégorie antérieure, on rate sa spécificité, c’est-à-dire sa modernité, dans son rapport à la technique comme autodéveloppement et à l’administration comme autonomie des moyens et écrasement de la responsabilité individuelle. C.Q.F.D.