Dans le wagon plombé (texte de Alexandre Oler)

Dans le wagon plombé

J’ai fait tout le voyage au fond d’un plein wagon

De nuit, de sang, de cris, de larmes et de plomb

Sans rien savoir, sans un recours, sans charité

Debout sans rien manger, sans boire en plein été

Sans autres compagnons que malades ou morts

Je n’avais d’autre lit que l’urine ou les corps.

Il n’y avait pas d’eau, il n’y avait pas d’air.

Pas un manteau sur moi si c’était en hiver

Et je n’ai paa bu chaud dans ce tombeau glacé!

Tant de jours à trembler! Tant d’heures à passer

Debout dans cette foule et seul en mon tourment

Et sans pouvoir m’étendre, ou dans mes excréments.

Mais il y avait pire et mon regard s’enfuit.

Bien pire que les jours, il y avait les nuits!

Comment vous les décrire? Avec quels documents

Pour voir si je dis vrai ou bien si je vous mens?

C’est peut-être en été, c’est peut-être en hiver

C’était toujours la nuit, c’est encore l’enfer

Ces nuits, ces jours passés de Drancy jusqu’aux fours

Ces heures et ces nuits, elles durent toujours.

(Un génocide en héritage, Tableaux de David Olère, Texte d’Alexandre Oler, 1998, Wern Editions, p.20)

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

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