Comme son nom l’indique, un Mémorial est un lieu de mémoire.
Mais de quelle mémoire parle-t-on? D’une mémoire de l’homme. D’une mémoire de l’histoire. Pas d’une mémoire du problème relatif à la Shoah parce que, croit-on, le problème de la Shoah n’est pas notre problème, c’est un problème passé, intolérable, mais liquidé. Il faut s’en souvenir, pour ne pas que l’événement se reproduise…point.
Le devoir de mémoire recouvre le problème dont il est question…lequel? Que la Shoah donne à voir l’essence même de la modernité dans son rapport à l’Etat, à la technique, au travail, etc…. On en saura bientôt plus en lisant la Philosophie de la Shoah.
Consommons de la mémoire pour se souvenir, surtout si cela ne donne pas à penser. Divertissons-nous, contentons-nous dans le voyeurisme de la déréliction des déchets de l’histoire. Les déchets sont recyclables à l’infini, dans une écologie de la mémoire, glissement, lissage qui rend possible quenelles et bras tendus. On hurle, bien tard, à l’imposture devant Dieudonné, alors qu’on est incapable de donner à voir de l’universel dans un événement qui concerne, pourtant, l’humanité de l’homme.
Avant que Peter Eisenman soit l’élu et le promoteur immobilier du mémorial de Berlin, Horst Hoheisel avait proposé, lors du dépôt des projets, une solution simple qui relevait à la fois de la mémoire et de l’exigence de penser un problème: faire sauter la porte de Brandebourg , réduire ses pierres en poussière et les répandre sur l’ancien site. Après quoi couvrir le monument de plaque de granite.
« Comment se souvenir d’un peuple détruit sinon par un monument détruit? » s’interroge James Young, dans son article sur le mémorial allemand. (Consciences de la Shoah, Kimé, 2000, direction Philippe Mesnard, p.61-78)