– Regardez-moi donc cette queue! Avec un engin comme ça, il veut se faire passer pour un des nôtres, pour un Youri Goletz. Trop d’honneur! Sais-tu seulement faire le signe de croix? …espèce de petit malin… Attends, ne la cache pas si vite, ta petite queue. Nous allons l’examiner. Comme ça. Et où donc ton prépuce? Regarde ma pine à moi, tu ne vois pas la différence?
Boris fixait l’objet du litige: c’était donc ça l’instrument, le pauvre instrument de toutes ses métaphysiques passées? De toutes ses métaphysiques qui lui paraissaient jadis tellement personnelles, tellement uniques et qui, aujourd’hui n’étaient pas plus à lui que les tripes d’un cafard écrasé ne sont « individuelles » par rapport aux tripes d’un autre cafard écrasé?
(…)
Ecoute, Goletz:
« Aimez-vous les uns les autres » – il n’y a que leur Dieu maigre et anémique pour avoir émis une pareille recommandation, digne d’un maire de village. Lorsqu’elle est limitée, la pitié est fade… Elle est pire que la pire cruauté. Si les destinées de votre monde me concernaient encore, je vous aurais imposé un autre commandement, le mien: Tombez amoureux, éperdument, amoureux tous de tous. Lorsque c’est nécessaire, devenez fou de chacun et de chacune! Que chacun se hausse à la seule hauteur digne de MON Dieu à moi: à celle du crime passionnel, à celle du suicide passionnel! Que l’Univers se consume dans l’orgasme perpétuel, dans le crime passionnel définitif, perpétré par chacun et par chacune sur chacun et sur chacune. Que le Dieu véritable, le seul, vous serve d’exemple!…
Piotr Rawicz: Le sang du ciel, Gallimard, 1961, p. 286-288.