Torah, Shoah et la question de Dieu.

Les Sonderkommandos avaient un kapo juif, ou peut-être pas un kapo, mais un grand bonhomme jouissant de l’autorité d’un homme instruit dans la Torah, que tout le monde tenait pour un maître, un chef, solide comme un roc.

(J’imaginai un homme sombre, baraqué, un « roc de sécurité », le plus souvent silencieux et taciturne, mais répondant aux questions de ceux qui le vénéraient et séjournaient avec lui dans la ténèbre et le la lueur du feu des crématoires.)

Ils lui posèrent ces questions, aussi, et cette question-là, alors, à l’époque même de la Métropole de la Mort dans sa « gloire » – « Où est Dieu? » – et les autres variantes de cette question que l’on posait là-bas, dans ce lieu de vérité.

Et le rabbin – le kapo -, le maître, l’autorité, le roc de leur sécurité dans la ténèbre de ce feu, répondit – ainsi répondirent-ils à mon père: « Il est interdit de poser cette question, là, et de toute éternité. »

J’en reviens au dernier rêve, que je griffonnai sur des bouts de papier:

En vérité, il était interdit de poser la question, là (et de toute éternité). Car Il était, Il était présent, là-bas, aussi.

 

Otto Dov Kulka, Paysages de la Métropole de la Mort, p.164.

Publié par

Didier Durmarque

Didier Durmarque est professeur de philosophie en Normandie. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont la plupart sont des approches de la question de la Shoah. Moins que rien (2006), La Liseuse (2012) étaient des approches littéraires et romanesques de la question du néant, de l’identité et de la culture à partir de la Shoah. Philosophie de la Shoah (2014) Enseigner la Shoah: ce que la Shoah enseigne (2016) et Phénoménologie de la chambre à gaz (2018) constituent une tentative de faire de la Shoah un principe de la philosophie.

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