Les Sonderkommandos n’ont pas vraiment de choix, sauf celui immédiat de se suicider. Certes, le plus grand nombre des Sonderkommandos a préféré survivre, mais dans trois centres d’extermination (Treblinka, Sobibor et Birkenau) sur six (avec Belzec, Chelmno et Majdanek), cette survie les a conduits à la révolte et au sacrifice de la plupart. Or la zone grise (1) ne conduit pas à la révolte puisqu’elle est, au contraire, l’expression contrainte ou volontaire de l’accommodement. Leur seul véritable choix a été de prendre les armes pour que décident la liberté ou la mort. Levi pense de nouveau cette question en termes de dignité. En effet, la révolte est une manifestation ultime de dignité et, par là même, d’humanité dans les camps (ou sous un régime coercitif). C’est le coup de poing que décoche Jacques à Cohn dans La Nuit des Girondins. C’est la révolte des ghettos et ce qu’il veut signifier, dans sa préface du Chant du peuple (juif) (2) assassiné de Katzenelson, en jouant à plusieurs reprises sur le mot morituri te saluant des gladiateurs.
Philippe Mesnard: Primo Levi, le passage d’un témoin, Arthème Fayard, 2011, p. 723- 724.
(1) Zone de collusion, entre bourreaux et victimes, où la victime collabore au système mis en place par les nazis pour essayer de survivre.
(2) Nous complétons l’omission.
Intéressant – je vais lire vos livres.