« Je ne pensais jamais pouvoir, ni devoir écrire un essai philosophique à partir de la Shoah. Désignée comme un impensable, comme un irreprésentable par les historiens, il semble incongru de solliciter le concept pour penser l’impensable génocide.
Pourtant, si l’on pense la Shoah comme problème, et non plus comme événement, le problème ne devient plus une impasse mais le fondement à partir duquel la pensée philosophique se fait jour et s’exige comme une clairière qui n’enlève rien à l’obscurité du bois.
Il y a ici un fond qui n’a jamais été interrogé par les philosophes, du moins ni comme problème, ni comme fond. Dans tous les cas, on passait sur l’événement comme un événement qui avait tout donné de lui-même, comme un événement fini, dépassé, c’est-à-dire comme un événement historique.
Or, le présent ouvrage prétend tout le contraire : la Shoah, pensée comme problème, constitue à la fois une castration et un fondement, le point pivot, à la fois résistance et mouvement, d’une métaphysique moderne. Il s’agit donc de montrer pourquoi la Shoah comme problème impose de repenser l’être de l’homme, l’idée même d’un sens de l’existence, la relation de l’homme à la transcendance, ainsi que son immanence première qu’est le langage. »
Didier Durmarque, Philosophie de la Shoah, Age d’Homme, 2014, p. 13.